Matinale : JOP, quelles opportunités pour les entreprises françaises ?

94% des entreprises sélectionnées pour les appels d’offres étaient des entreprises britanniques ou ayant une filiale britannique. Comment s’en inspirer pour sécuriser l’héritage de Paris 2024 pour l’économie française ?
1. Le calendrier du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques et les attentes des entreprises
Mickaël Aloïsio, directeur de cabinet du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, a rappelé qu’à partir de septembre 2020 le COJO entre dans un nouveau cycle : son Olympiade. Alors que l’année 2018 était consacrée à la fondation (Société de Livraison des Ouvrages Olympiques, structures juridiques, premiers recrutements), 2019 est l’année de la définition de l’ensemble des stratégies d’engagement (communautés, labels comme Terre de Jeux).
Le COJO réalise en ce moment une cartographie des achats qui va permettre d’établir une stratégie et de fixer les objectifs pour les entreprises françaises en termes d’attribution de marchés et d’allotissements possibles. Cette cartographie sera livrée premier trimestre 2020. À titre de comparaison sur la méthodologie, une cartographie des emplois datant d’avril 2019 a permis de déterminer les besoins humains avec les acteurs publics et territoriaux en prenant en compte les différentes filières et la structuration de ces dernières.
Les entreprises ont une forte attente de développement en lien avec les JOP 2024. Agathe Doublet, vice-présidente du développement international de Doublet, groupe optimisant l’impact visuel des entreprises, collectivités et organisateurs d’événements, a rappelé les attentes du groupe. Doublet ambitionne une croissance du chiffre d’affaires, des opportunités économiques, des croisements de compétences et des synergies avec d’autres acteurs économiques français. Agathe Doublet a d’ailleurs fait part de l’implication de sa PME lors des Jeux de Londres, grâce à leur filiale anglaise. Durant cet événement, le groupe a fourni l’ensemble des drapeaux, conçus dans une démarche durable selon le cahier des charges de Londres 2012.
Michaël Aloisio s’est voulu rassurant auprès des entreprises, expliquant que pour le moment, seulement 1% du budget du COJO a été dépensé. Les dépenses vont s’accélérer en se rapprochant de l’échéance. Les objectifs sont multiples, et les entreprises vont être fortement associées. Trois piliers sont mis en avant par le COJO :
- Célébration : 12,5 millions de billets vont être vendus avec une couverture médiatique très forte pour rendre la célébration la plus spectaculaire, la plus ouverte et la plus accessible possible.
- Héritage : un travail important est effectué sur la durabilité de l’événement pour le rendre respectueux de l’environnement, solidaire, inclusif et attractif.
- Engagement : passer de spectateur à acteur. Paris 2024 crée des labels pour embarquer l’ensemble des acteurs comme récemment le label Terre de Jeux*, qui a pour objectif de mobiliser les collectivités et acteurs du mouvement sportif qui veulent s’engager, ou encore le Club Paris 2024.
L’idée de « Terre de Jeux » (http://terredejeux.paris2024.org) est de pouvoir engager l’ensemble du territoire français pour que les Jeux ne restent pas cantonnés à la trentaine de sites de compétition. Les Jeux doivent devenir ceux de toute la France. L’idée est de mobiliser sur les grands défis de Paris 2024 : il fallait penser un label qui corresponde aux différentes typologies de collectivités et dont le niveau de capacité varie beaucoup. Dès octobre, les premiers territoires seront labellisés.
- Des actions engagées autour du partage d’information
Jusqu’ici, le COJO a déjà mis en place des dispositifs pour maximiser l’impact pour les acteurs locaux et notamment atteindre une part d’entreprises locales encore plus importante que les 94% de Londres 2012. La plateforme Entreprises 2024 a été lancée notamment pour les TPE et PME. L’allotissement des marchés, l’information et l’accompagnement doivent permettre de les rendre plus accessibles. Paris 2024 a également mis en place la plateforme ESS 2024 pour les acteurs de l’entrepreneuriat social et de l’économie solidaire. Un travail est également effectué sur du sourcing pour recenser tous les acteurs de l’ESS. L’ambition de ces plateformes est que les JOP2024 profitent à tous et pas seulement aux grands groupes.
2. Une utilisation contrôlée de la marque pour faire profiter ceux qui s’engagent
Tout acteur ne peut pas se servir de la marque Paris 2024 et des codes olympiques, qui sont strictement réservés aux partenaires du COJO et du CIO. Ces mesures permettent de valoriser les différents partenaires qui participent au financement des Jeux. Le budget de Paris 2024 est composé à plus de 97% de fonds privés : 1/3 est apporté par le CIO (droits TV et partenaires mondiaux), 1/3 par le programme de billetterie et le dernier tiers provient du marketing national. Le but est de créer un environnement surprotégé pour les partenaires, qu’ils soient nationaux ou mondiaux.
Le COJO ne prévoit pas d’associations avec des marques à partir du moment où il y a un partenaire du CIO sur le secteur. Par exemple, le COJO ne pourra pas s’engager avec Renault ou Peugeot, Toyota étant partenaire du CIO.
Par ailleurs, suite à une question de la salle, Michaël Aloisio a indiqué que le COJO récupérait la gestion des marques supporter comme Allez les Bleus, qui appartenait au CNOSF.
Il a été également expliqué que jusqu’en 2024, Paris 2024 fusionne les programmes marketings avec le CNOSF et commercialise ainsi tout ce qui peut être en rapport avec les anneaux olympiques.
Des journées d’information vont être mises en place sur ce que peut faire une entreprise pour éviter des contentieux. L’enjeu d’accompagnement pédagogique précisant les étapes du projet est primordial pour donner des points de repère dans le calendrier. RDV a été donné à la rentrée pour cela.
3. Comment les entreprises françaises peuvent-elles devenir plus visibles et accessibles pour le COJO ?
Des entreprises ont commencé à s’engager pour les Jeux. Comme l’a rappelé Agathe Doublet, dans la région Hauts de France, des entreprises nordistes ont commencé à parrainer et financer des athlètes pour créer la Team Hauts de France. Le but est de fédérer les entreprises autour des athlètes. Pour autant, le développement n’est pas encore collectif ; les entreprises ne s’associent pas encore pour répondre à des appels d’offres. Néanmoins, alors que les appels d’offre ne sont pas encore faits, cela permet d’identifier des entreprises mobilisées. Cette démarche pourrait être intéressante notamment pour les plus petites entreprises voire les start-ups. Les entreprises peuvent aussi s’impliquer sur l’ensemble des grands événements que la France va accueillir et pas seulement autour des Jeux. En effet, la plateforme Entreprises 2024 recense aussi les appels d’offres liés à l’ensemble des GESI.
Les entreprises semblent avoir tout intérêt à anticiper les évolutions de marché et se positionner en acteur incontournable. A titre d’exemple, dans le cadre des achats responsables, les entreprises se préparent à développer leurs normes RSE (l’AFNOR a exprimé sa volonté de les accompagner) pour se préparer avant de candidater. Le prix tient une place prépondérante dans les appels d’offres mais les critères liés aux achats responsables sont également très importants a souligné M. Aloïsio. Ces critères permettent aussi pour les comités d’organisation de réaliser des achats intelligents, durables et fiables qui ne compromettent pas le projet. Autre exemple, la France n’est pas très en avance sur le lien entre le sport et le numérique ce qui pourrait nuire au développement des start-ups notamment. Il existe une volonté très offensive des start-ups internationales de venir sur le marché français.
Les entreprises ont ainsi la nécessité de s’adapter rapidement aux évolutions du marché pour bénéficier de l’ensemble des GESI (JOP 2024 et test events, France 2023, Paris 2020, mondiaux de ski 2023, etc.). C’est le rôle de la filière économique de faire émerger les entreprises moins connues. Pour ce faire, il est possible d’imaginer des grands temps de présentation pour connecter les acteurs avec les besoins. Les plus petites entreprises ou les start-ups ont également la possibilité de contacter directement les différentes directions de Paris 2024 (achats, innovation, etc.). La filière économique va d’ailleurs s’organiser au sein d’un GIE – groupement d’intérêt économique à l’été.
Comme l’a affirmé Mickaël Aloïsio en guise de conclusion, rien n’est acquis dans l’organisation des Jeux. Les Jeux sont une opportunité mais chacun (la population, les collectivités, les entreprises…) doit se mobiliser sur l’ensemble des sujets. Il n’existe pas de « coup de baguette magique », une réelle opportunité existe, il faut s’en saisir, notamment les entreprises. Agathe Doublet a conclu en décrivant le surplus de motivation dans ces équipes lorsqu’elles travaillent sur les grands événements sportifs et les émotions positives que tout cela génère.